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pages sauvages
29 décembre 2006

Rencontre à Hoi-An, An-Hoi

An_Hoi

Je suis installé sur la terrasse de la maison de mon ami Thanh à An-Hoi.
Il est juste derrière moi et regarde le dessin que je fais de sa rue. C'est encore très sauvage, mais ça ne le restera plus très longtemps, comme en témoigne le changement radical qui s'est opéré dans cette partie de la ville depuis ma dernière venue ici, il y a quatre ans.

Ici, C'est Hoi-An, mais Thanh habite An-Hoi. Les deux mots qui forment le nom de la ville basculent selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre de la rivière. Hoi-An est un endroit très couru pour son architecture traditionnelle préservée et pour ses ateliers de confection de la soie. C'est très authentique et par conséquent très touristique. Les commerces tirent profit de cette manne et les tailleurs y pullulent. On dit qu'on y trouve les meilleurs artisans de tout le Vietnam et que les prix y sont très compétitifs. Seulement aujourd'hui, le nombre de magasins de vêtements y est si important que pour l'amateur d'un jour, il est difficile de faire preuve de discernement. Les vrais tenants du savoir-faire côtoient les opportunistes qui décrédibilisent petit à petit la réputation de Hoi-An.

hoi_an_2

Thanh, je l'ai rencontré lors de mon premier voyage au Vietnam, en 2001.
A mon arrivée à Hoi-An, ce jour-là, j'étais parti visiter la ville avec mon carnet à dessin sous le bras. La beauté des rues et l'ambiance qui s'en dégageait, contrastait avec mes précédents arrêts. Ca me semblait plus beau que Nha-Trang, plus propre que Saigon et collait bien à cette image idyllique d'un Vietnam rêvé, que l'on s'imagine avant de quitter la France. Seulement les boutiques de souvenirs, l'art local au kilomètre, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé et croiser des troupeaux de touristes en batterie m'agace assez vite.
J'arrive devant un pont sans rambarde qui enjambe la rivière. Derrière moi, je laisse les vacanciers pressés prendre leurs photos et tandis qu'ils s'affairent à leurs achats, je franchis quelques mètres au dessus de l'eau pour passer d'un monde à l'autre. Je me retrouve à An-Hoi.
De ce côté-ci, il n'y plus la moindre incursion extérieure. J'ai l'impression d'avoir fait un bond dans le temps. Je suis cent ans en arrière. Les maisons sont en bois, entrelas de branches non dégrossies, les chemins sont en terre battue, ils mènent au delà du dédale des rues jusqu'à une forêt de bambou, à côté d'un champ humide où pullulent les grenouilles. Des poules picorent autour de moi et les gens me sourient, me regardent comme si ils n'avaient jamais vu un étranger. Pour aussi incroyable que cela puisse paraître, ici jamais un visiteur ne vient. Il n'y a pas de magasin de babioles, pas de café avenant, le touriste organisé n'a rien à voir, rien à acheter dans le Vietnam des pauvres gens qui n'ont rien à vendre.
Depuis sa petite terrasse, un homme s'adresse à moi. Il parle français et m'invite à venir discuter avec lui. Il m'a vu avec mon carnet de croquis et aimerait découvrir ce que je fais. Il s'appelle Thanh. Il est sensible à la poésie, à la musique et à l'art en général. La rencontre est simple et nous partageons le thé, qu'il m'offre pour la première fois.
Le soir venu, nous admirons les étoiles depuis la petite cabane en bois qu'il s'est construit devant chez lui. Il me tend une pipe fourrée d'un tabac au goût mentholé. Le chant des batraciens résonne en fond sonore. Thanh entonne quelques chansons vietnamiennes. Il aime beaucoup cet endroit, il s'est installé ici pour le calme qui y règne.
Nous nous donnons rendez vous le lendemain à 17 heures.
J'ai invité Achim Koehler, un voyageur épatant rencontré dans le dormitory que je partage avec lui et deux autres personnes. Thanh nous attend pour une excursion sur la rivière. Nous allons à la pèche sur sa barque. Un ami l'accompagne, nous sommes quatre. La nuit tombe lorsque nous embarquons.
Les lumières qui jalonnent notre route sont celles des pièges à crevettes. Suspendus depuis des plateformes sur pilotis, des néons flottent au dessus des eaux. Les sources lumineuses attirent les crustacés dans de grands filets que les pêcheurs remontent une fois plein. La ballade est exceptionnelle. Des ponts en bois tendus entre les deux rives défilent au dessus de nos têtes.
Nous atteignons le lieu d'où nous allons tirer notre futur dîner. Depuis la barque, nous lançons nos lignes au hasard. Achim et moi ne sommes pas des pêcheurs émérites. Mais Il se trouve que Thanh et son ami non plus. Au terme d'une petite heure de rigolade, pendant laquelle nous gaspillons nos appâts sans compter, nous sommes obligés de renoncer à l'idée de manger le produit de notre pêche. Nous sommes bredouilles et la soupe à l'eau ce n'est pas très goûtu.
Le conducteur du bateau reprend alors les commandes et nous entraîne pour une destination connue de lui seul. Thanh joue de la guitare. Il est environs dix heures du soir. Nos estomacs gargouillent, mais cette aventure est jubilatoire. Dans l'obscurité, quelques lumières attirent notre regard. Nous nous dirigeons vers elles. J'ai l'impression d'être comme une crevette à mon tour. Où sommes-nous exactement? Loin de Hoi-an? Nous finissons par atteindre un groupement de trois bateaux. Les hommes qui attendent là, En plein milieu de nulle part, sont des vendeurs de poissons. C'est un marché flottant! Nous cuisinons enfin à bord de notre embarcation le fruit de notre... De nos achats. Il y a toujours un endroit où l'on vend de quoi manger au Vietnam, même sur l'eau et en pleine nuit!
Le lendemain, je reviens dire adieu à Thanh car mon départ pour Hue est proche. Je ne sais quand je le reverrai. Il me considère comme son ami et c'est réciproque. J'ai passé avec lui quelques uns de mes meilleurs moments au Vietnam. Il nous demande à Achim et moi de lui rembourser la location de la barque, ce qui je m'en souviens, sur le moment nous surprend un peu. Pourquoi ne nous l'a-t-il pas demandé la veille? Elle n'est pas à lui cette barque? Je me surprends à me demander si cette amitié n'est pas motivée par des raisons détournées. Je suis un peu désarçonné... C'est parce que ce genre de situation m'est déjà arrivé auparavant. L'accumulation de ces petites déceptions finie par brouiller les repères. Quand l'argent s'en mêle, la confiance que l'on accorde aux autres est à chaque fois un peu remise en question... On réagit au quart de tour. Mais Thanh ne nous demande rien de moins, rien de plus que de partager avec lui.

Quand nous nous quittons, je ne sais pas encore que je reviendrai au Vietnam quatre ans plus tard et que je le retrouverai avec autant de joie sur le perron de sa maison. Nous reboirons souvent le thé ensemble. La forêt de bambou aura disparu pour laisser place à un resort flambant neuf, la mare où les grenouilles coassaient n'existera plus et des maisons au style standard auront remplacé les espaces de verdure où les poules caquetaient. La cabane en bois aura été rasée depuis longtemps et un bar fera profiter des décibels de sa musique à toute la rue. Pourtant Thanh continue de jouer de la guitare, de raconter des histoires et d'aller à la pèche avec ses amis, toujours pour ne ramener aucun poisson, sinon de beaux souvenirs.

Hoi_an

 

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Commentaires
M
... Merci pour ces encouragements.<br /> Je vais essayer de tenir compte de vos critiques. Plus de dessins pour Clément donc. Et pour Martin, Relis le premier paragraphe après l'introduction, tu verras que je ne me suis pas trompé. Ou alors c'est que l'explication que m'avait donné Thanh relève de la pure fantaisie.
M
Ahlala, mais tu ne m'avais pas raconté tout ça ! Formidable ce petit récit de pêche pas du tout miraculeuse !<br /> Pour la petite histoire, sur les (bons) conseils de Max, j'ai moi aussi rencontré ce même Tranh lors d'un voyage au Vietnam en septembre 2005. Il est aussi gentil que la description que Max en fait. Nous avons également bu le thé avec lui et il nous a montré ses tableaux.<br /> Délicieux moment, au cœur de Hoi An (et non pas An-Hoi comme tu as écrit au début ! ^^).
R
quel bon moment.
C
j'aime beaucoup lire tes anecdotes. serait-il possible d'avoir plus de dessin en prime ?
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